• La grammaire du français au XVIIe siècle

    La grammaire du français au XVIIe siècle

    Cet article est le deuxième d’une série consacrée aux grammaires françaises au fil des siècles. La chronique présente les analyses que les grammairiens ont formulées et raffinées au fil du temps. En suivant ainsi les méandres de la réflexion grammaticale sur la langue française, nous pourrons mieux comprendre l’origine des nomenclatures modernes, en particulier celle de la grammaire dite traditionnelle.

    Le texte que nous proposons dans le présent numéro porte sur des ouvrages grammaticaux parus au XVIIe siècle. Le milieu intellectuel de l’époque classique marquera la réflexion grammaticale de deux tendances, l’une orientée vers la norme linguistique et une vision hiérarchisée de la société, l’autre vers un raisonnement philosophique sur la langue. Ces tendances trouvent leurs racines dans les réflexions tenues au cours des siècles passés (réflexions qui remontent jusqu’à l’Antiquité), mais s’enracinent également dans les pratiques pédagogiques qui ont cours au XVIIe siècle (notamment dans les petites écoles de Port-Royal). Les auteurs puisent aussi leur inspiration dans les débats du siècle précédent et dans les positions adoptées par les premières véritables grammaires, produites au XVIe siècle. Parmi cellesci, on citera Lesclaircissement de la langue francoyse de Palgrave, la Grammatica latino-gallica de Sylvius, Le tretté de la grammere françoeze de Meigret, le Traicté de la gramaire Francoise d’Estienne et la Grammaire de Ramus (voyez à ce sujet notre article précédent, paru dans le numéro d’avril 2008).

    Quelques grammaires de référence au XVIIe siècle

    Les ouvrages qui ont particulièrement marqué la réflexion grammaticale à cette époque sont la Grammaire et syntaxe francoise de Maupas (1607), la Grammaire Francoise Rapportee av Langage dv Temps d’Oudin (1632), les Remarqves sur la langve françoise de Vaugelas (1647), l’Essay d’une parfaite grammaire de la langue françoise de Chiflet (1659) et la Grammaire générale et raisonnée d’Arnauld et Lancelot (1660), couramment appelée Grammaire de Port-Royal.

    Les grammaires de Maupas, d’Oudin et de Chiflet s’inscrivent dans la veine d’ouvrages destinés à l’apprentissage du français, langue étrangère, sans toutefois exclure les Français désireux d’améliorer leur façon de parler et d’écrire. Ces auteurs cherchent à proposer des grammaires d’usage et prennent de plus en plus position dans la définition d’une norme, celle du parfait gentilhomme. Cette tendance atteint son apogée dans l’ouvrage de Vaugelas, qui somme toute s’apparente peu à un ouvrage grammatical (d’où son titre d’ailleurs) et n’en retient que les discussions sur l’usage auquel devrait se soumettre toute personne désireuse de se distinguer par sa bonne façon de parler et d’écrire. Le texte, qui se présente sous la forme d’une série de remarques relativement courtes, est dépourvu d’organisation et de discussions théoriques. Ainsi, le lecteur n’y trouve aucun des éléments figurant généralement dans les grammaires : pas de présentation des catégories de mots ni de discussion de leurs aspects morphologiques. L’ouvrage est entièrement consacré aux cas d’accord ou aux choix de termes qui ne font pas unanimité parmi la population française. Dans chaque remarque, Vaugelas prend alors position pour le choix qui constitue, selon lui, le bon usage. Ses Remarques se définissent donc comme un ouvrage d’autorité linguistique en matière de beau langage. Quelques termes de grammaire y affleurent, sans jamais parvenir à déteindre sur le caractère mondain de l’ensemble.

    À côté de ces grammaires, une nouvelle voie prend son essor, celle de la « grammaire générale et raisonnée ». Les tenants de cette approche sont Antoine Arnauld et Claude Lancelot, tous deux issus de Port- Royal. La réflexion grammaticale qu’ils proposent s’inscrit dans un courant logique et philosophique (d’où le terme de grammaire raisonnée) qui dépasse l’étude d’une langue particulière en proposant un ensemble de principes communs à toutes les langues (d’où le terme de grammaire générale). L’essentiel de leurs préoccupations porte malgré tout sur la langue française.

    La définition de la norme linguistique

    Les grammairiens d’usage de l’époque (Maupas, Oudin, Chiflet, et surtout Vaugelas) prennent position pour une norme linguistique. À des degrés divers, la préoccupation pour le beau langage transparaît dans les grammaires, où l’on peut trouver des prises de position pour telle ou telle façon de s’exprimer. Ainsi Maupas clôt-il par une remarque esthétique – « le langage semble plus vigoureux & de meilleure grace » (Maupas, 1607, p. 62b) – la règle non obligatoire de l’inversion du verbe et du sujet à la suite de mots comme lors, alors ou aussi. Cependant, chaque grammairien propose sa propre vision des considérations qui doivent présider à l’acceptation de tel ou tel usage. Chiflet, par exemple, insiste sur la connaissance de l’usage passé, de l’étymologie (en fait, une connaissance que possèdent les érudits) tandis que Vaugelas érige en norme toute-puissante « la façon de parler de la plus saine partie de la Cour, conformément à la façon d’écrire de la plus saine partie des autheurs du temps » (Vaugelas, 1647, p. 2).

    Conclusion

    La grammaire du XVIIe siècle présente un double visage : d’une part, le développement d’une grammaire du bon usage, socialement élitiste et source d’efforts, et, d’autre part, le développement d’une grammaire analytique qui puise sa substance dans la philosophie et la logique. Les interrogations des auteurs pointent quant aux classements des mots, notamment en ce qui concerne les articles, les prépositions et les pronoms, mais la tradition s’est déjà installée et elle résiste. L’analyse des fonctions stagne dans les grammaires d’usage, qui n’usent que des cas latins (notamment le nominatif et l’accusatif) pour pallier l’absence d’analyse fonctionnelle. Au même moment, dans un autre sillon de la grammaire, naît l’analyse logique, dans laquelle nous reconnaissons le squelette des fonctions grammaticales modernes (le sujet et l’attribut).

    Le XVIIe siècle se rapproche de nous, mais bien des étapes restent à franchir avant d’aboutir au modèle que nous connaissons à l’heure actuelle. La grammaire plonge ses racines dans des domaines dont le commun des lecteurs n’aurait peut-être pas soupçonné l’influence souterraine.

    Les grammairiens poursuivent déjà l’idéal de la grammaire par excellence, de la perfection, de la description unique et absolue. Pensons à Chiflet et à son Essay d’une parfaite grammaire de la langue françoise. Et pourtant, elle évolue !

     


  • Commentaires

    1
    Mercredi 3 Décembre 2014 à 18:27

    cette grammaire peut etre efficace dans le prolongement du temps

    2
    Mercredi 10 Décembre 2014 à 21:23

    il ne faut pas connaitre l'histoire de la grammaire en tant que theoricienne mais il faut etre pratique

    3
    Jeudi 11 Décembre 2014 à 18:00
    oui b1 sur aminnaaattta
    4
    KEFSI REDOUANE
    Samedi 20 Décembre 2014 à 07:44

    Bonjour, c'est très bien ce que vous faites Chaabi, bonne continuation et bonnes vacances.

    5
    Dimanche 21 Décembre 2014 à 22:43

    Merci bcp M Kefsi

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